Portraits de femmes au Biafra - étude comparée de Chinua Achebe et Leslie Ofoegbu
Françoise Ugochukwu
Cette étude considère l'impact de la guerre civile nigériane sur la vie quotidienne et les relations interpersonnelles des Biafrais telle qu'elle est présentée dans Femmes en guerre d'Achebe et Blow the fire de Leslie Ofoegbu. Ces deux écrivains, dont l'un, déjà traduit dans plusieurs langues, a été le premier à projeter le pays igbo sur la scène internationale, et dont la seconde est une écossaise mariée à un nigérian et qui vécut au Biafra pendant les années de guerre, offrent, au-delà de leurs différences, un témoignage de l'intérieur sur le conflit qui a déchiré le pays de 1967 à 1970. Femmes en guerre, traduit en français en 1981, est un recueil de nouvelles dont trois sont directement inspirées par le conflit ; le second est un récit autobiographique témoignant de la vie quotidienne de l'auteur et de sa famille à l'époque. L'étude met en lumière la remise en question des valeurs traditionnelles et l'évolution des attitudes face au déracinement, à l'exode, au danger et à l'omniprésence de la mort. Elle révèle également le rôle crucial des femmes en tant que gardiennes de la vie au cœur de la zone encerclée.
La guerre ne favorisait pas la production littéraire - à l'époque, les Igbo "cherchaient à survivre à tout prix (…), appelant de leurs voeux la fin du conflit pour pouvoir partager leur expérience de guerre avec leurs amis de l'autre côté." (Nwapa 1975 : 5).
Nwapa réussit cependant à écrire une nouvelle, "mon frère soldat", publiée en 1971 dans le recueil This is Lagos in 1971. Le seul roman écrit dans ces années-là, La route d'Udima de Nwankwo, fut d'abord publié en allemand a partir d'un manuscrit anglais. La production littéraire igbo reprit dès le début des années soixante-dix, mais la plupart des romans et autres récits sur la guerre sortirent quelques dix ans après, comme si les auteurs avaient éprouvé le besoin de prendre du recul, de se reprendre avant de revivre ces expériences au travers de l'écriture. La situation politique du pays au sortir de la guerre n'était en tout cas guère favorable à de telles publications, et le lectorat ne tenait pas à se rappeler un conflit qui avait déchiré la fédération. Une distanciation était de plus essentielle à la recherche de l'objectivité et de l'authenticité du témoignage. Les deux auteurs étudiés ici, en dépit de leurs différences, sont tous deux des témoins de l'intérieur - "en un sens, la plupart des ouvrages écrits par les Nigérians impliqués dans le conflit peuvent être considérés comme littérature de témoignage." (Feuser: 121)
|