Pour une politique du risque - Comprendre et agir
La gestion de situation critique dans le transport aérien

François Domergue (co-auteur) Edition l'HARMATTAN - 2014

La croissance continue du trafic aérien et l'augmentation corrélative des accidents conduisent les acteurs du transport aérien à valoriser la gestion des connaissances en matière de gestion du risque. Elle vise à favoriser le capital immatériel détenu par les différents acteurs en vues, d'une part, de permettre une meilleure efficacité dans la réalisation des processus et, d'autre part, de faciliter la transmission du savoir et de l'expertise des acteurs (Beler, 2008). Le mode aérien est devenu un transport de masse où le progrès technologique et l'infime probabilité d'accident conduisent à développer la croyance du risque nul. L'homme a banalisé le ciel avec l'aviation commerciale et l'on parle aujourd'hui d'airways, (d'autoroute du ciel) où plus le transport est sûr moins l'aléa est accepté (Cahier, 2009). Lorsque survient l'accident, et donc ce qui n'aurait pas dû advenir, on tente de définir des causes, parfois des effets et surtout des responsabilités (Mont Saint Odile, 1992 et Concorde à Gonesse, 2000).
Dans le cadre d'une démarche qualité, élaborée par les acteurs du transport aérien afin d'améliorer la satisfaction du client, un processus de résolution de problème a été initié à l'aide des quelques outils suivants : PCDA (Plan-Do-Check-Act) ; TOPS (Team-Oriented-Problem-Solving) ; Six Sigma ou DMAICS (Define, Measure, Improve, Control and Standardize). Le problème de ces démarches résident dans le caractère formalisé de l'incertitude et l'incapacité de traiter l'évitement de l'accident. Il est précisé (OACI, 2007) que la sécurité a pour objectif d'éviter l'accident et la sûreté d'empêcher tout acte malveillant. L'anticipation et la maîtrise du danger dans le secteur aérien s'établit sous la forme de normes internationales contenus dans la Convention de Chicago (1944), les annexes relatives aux accidents par l'OACI et souvent renforcées par des directives européennes et intégrées dans le droit français (Code de l'Aviation Civile).
Le fait d'éviter le renouvellement d'un accident est fortement lié à l'analyse des événements passés qui a pu mettre en cause la sécurité. Face à une situation critique, nous pouvons utiliser le retour d'expérience, processus de collecte et de partage d'épisodes de gestion de situation critique survenues aux individus au sein d'un système complexe (Marchand, 2011).
De récentes recherches ont montré que la croissance du trafic aérien a généré pour le personnel navigant (PNT et PNC) dans les courts et moyens courrier, une charge de travail physique, mentale et émotionnelle accompagné de stress (François et al., 2007). Ces observations permettent d'émettre des hypothèses en termes de contrainte de travail et de protocole d'intervention. Or, la complexité des interactions reliant des compétences techniques, un système réglementaire et des procédures techniques, s'inscrit dans un environnement dangereux et difficile (Cabon et al, 1999 : Deloye et al, 2001).
Le très faible taux d'accident avec victimes dans le transport aérien (1 pour 1.500.000 décollages ; statistiques NLR-ATSI 2010) ne doit pas occulter l'exploration des comportements des pilotes avec des situations inattendues d'extrême urgence en vol (PINET, 2011). Ces travaux tentent de comprendre l'origine des accidents (plus particulièrement lors des décollages et atterrissages représentant selon l'IATA (Safety Report, 2009), 66% de la totalité des accidents avec des victimes). Le premier constat repose sur les avancées technologiques qui favorisent les automatismes et réduisent le taux d'accidents mais augmentent les négligences dans la conduite de l'avion. Le deuxième constat s'inscrit dans la réduction de l'intervention d'un pilote par ces automatismes et génère des effets dangereux lors d'imprévu. Le troisième constat relate les contraintes en matière de gestion économique du vol (règles, procédures et automatismes) et le facteur limitant en termes psychophysiologiques des personnels navigants techniques (PNT) (Li et al., 2008).
1. La notion de risque
Le risque est parfois assimilé au concept de crise ou d'incertitude. La notion de risque (Laufer, 1993) recouvre deux grandes catégories : le risque naturel et le risque lié à l'activité humaine. Pour le premier, le niveau d'anticipation est faible, son identification est effectuée ex post et ses impacts peuvent être considérables. Pour le second, le degré de risque, les indicateurs de dangerosités et les obligations juridiques favorisent une anticipation et une identification appropriée et une maîtrise des impacts. Si la crise est l'élément déclenchant (Weick, 1988), le concept de risque s'inscrit en amont dans l'organisation du processus. Sa représentation correspond à un mode de gestion de crise particulier : les risques de développement (risques inconnaissables) avec le principe d'exonération ; les risques suspectés avec le principe de précaution ; les risques avérés avec le principe de prévention et les risques réalisés avec le principe de réparation. On constate que la gestion du risque se complexifie et nécessite un apprentissage constant de la part des acteurs concernés. Les crises subies par les entreprises et les institutions sont plus que jamais d'une grande variété et d'une extrême violence. La préparation aux crises et leur gestion reposent sur une adaptabilité et une capacité de réponse qui ne s'acquièrent qu'au fil de l'expérience (Gaultier-Gaillard et al., 2012).
L'Organisation de l'Aviation Civile Internationale s'est fixé pour objectif de valoriser le transport aérien civil dans le monde, à cet effet, une série de dix-huit annexes techniques visent à se prémunir des risques naturels, techniques et humains et notamment deux (annexes 12 : recherche et sauvetage et annexe 13 : enquête sur les accidents de l'aviation). Il faut comprendre qu'en aéronautique, rien ne distingue l'incident de l'accident si ce n'est le résultat. L'incident recouvre un quasi-accident, une situation qui pourrait aboutir à un accident mais qui finalement, n'a fait ni blessé ni dégât matériel (un "airprox " par exemple). L'accident se caractérise par des dégâts ou des victimes (même de faible ampleur). Les deux événements peuvent se produire au sol, en vol, au décollage ou à l'atterrissage, impliquer plusieurs avions, avoir pour origine un phénomène météorologique, un problème technique ou une erreur humaine. En revanche, le terme de catastrophe n'appartient pas au vocabulaire aéronautique car cela ne constitue par une notion pertinente dans la documentation technique internationale (Cahier, 2009).
Ce qui distingue l'accident de la catastrophe, c'est le caractère imprévisible, dramatique, concernant un grand nombre d'individu et son caractère inévitable sans que les passagers aient pu avoir la moindre opportunité de retourner la situation (catastrophe aérienne du Mont Saint-Odile le 20 janvier 1992 ; du Concorde à Gonesse le 25 juillet 2000 et récemment du vol Rio-Paris AF447, le 1er juin 2009). Une littérature abondante relate le traumatisme et les réactions de stress aigu des proches des victimes (Birmes et al., 2000 ; Cremniter, 2004 ; Racon et al., 2007). La gravité et le caractère brutal a un impact considérable sur les proches des victimes, aussi, les pouvoirs publics ont favorisé la création de cellule d'urgence médicopsychologique (CUMP) et poste urgence médicopsychologique (PUMP) où opèrent des psychologues ou/et des psychiatres. Pour les acteurs du transport aérien, la réglementation et les techniques de sécurité ne suffisent pas ex post à définir une communication de crise où le rôle de l'information auprès des voyageurs est de les rassurer et mettre en évidence la maîtrise d'une situation critique par des spécialistes de l'urgence. Ce processus permet alors d'alimenter le champ médiatique et le diffuser dans un délai très court (Cros et al., 2010).
La formation des pilotes est un outil de gestion des risques à l'aide de la CRM (Gestion des ressources de l'équipage - Crew Resource Management). Ces formations ont été introduites dans les années 80 après que les analyses d'accidents (Airbus A320 du Mont Saint Odile) eurent identifié la prise en compte des facteurs humains comme un élément important dans la maîtrise des risques opérationnels (Deharvengt, 2008). Dans un système où le cadre réglementaire fixe des contraintes aux opérateurs et où les ressources sont consacrées à la démonstration et à la surveillance de son respect, la complexité des phénomènes d'interactions et de rétroaction entre les acteurs rend difficile l'introduction de la résilience, concept de sécurité ex post.
Une nombreuse littérature s'intéresse à la notion de vigilance, de résilience et de l'erreur humaine face à une situation anormale, s'agissant d'une défaillance d'un aéronef ou de circonstance imprévisible (Chateauraynaud, 1997 ; Krieger, 2005 ; Cieslak et al., 2010). L'imprévisible et l'insuffisance de la réglementation en matière de sécurité ex ante obligent chaque individu à réagir à ces situations (accident ou catastrophe aérienne) à partir de ressource limités (Jonassen et al., 2002). Les acteurs confrontés aux risques peuvent proposer des épisodes à l'aide d'un système de retour d'expérience et qui peut participer à la gestion des événements imprévus in situ (Gauthey, 2008). La gestion des situations critiques en temps réels est un élément essentiel de la sécurité dans le transport aérien notamment à l'aide du processus de résolution des problèmes (Rasmussen, 1983). Le retour d'expérience au sens large concerne l'analyse d'un fait ou d'un événement passé en vue de réutiliser la connaissance qui en découle. Deux types de retour d'expérience peuvent être distingués : les activités de "capitalisation" pour tout ce qui concerne l'alimentation en expérience et en connaissance et les activités "d'exploitation" en rapport avec l'utilisation et la réutilisation de l'expérience (Beler, 2008). Sur la base de ce constat, nous pouvons définir le retour d'expérience comme une démarche structuré de capitalisation et d'exploitation des connaissances issues de l'analyse d'événements positifs et/ou négatifs. Elle met en œuvre un ensemble de ressources humaines et technologiques qui doivent être organisées pour contribuer à réduire les répétitions d'erreurs et à favoriser certaines pratiques performantes (Rakoto et al., 2002).
Dans le cadre de notre étude sur la gestion de situation critique, nous avons sélectionné la catastrophe survenue à l'Airbus A330-203 du vol AF447 partant de Rio de Janeiro vers Paris CDG, en raison du caractère imprévisible climatique, la tragédie en termes de pertes humaines, la complexité de la communication de crise ex post et l'expertise relativement longue sur les conditions de l'accident survenu le 1er juin 2009 à proximité des côtes brésiliennes.
2. Démarche méthodologie d'une gestion de situation critique
Plusieurs démarches sont proposées pour conduire une gestion de situation critique efficace et évaluer leurs impacts. La première démarche ex ante consiste à dimensionner la prévention des risques et conditionner une sécurisation du trafic (décollage, atterrissage et vol) pour les passagers et le personnel de bord (PNC et PNT). De nombreuses études proposent une analyse contenant la réglementation technique (Convention de Chicago, (1944) et les annexes de l'OACI) et l'analyse séquentielle stochastique en terme de sécurité aérienne (Barnett et al., 1979 ; Jacobson et al., 2001 ; McLay et al., 2006 ; Nikolaev et al., 2007). Cette approche ne peut être retenu dans notre étude car elle ne prend pas suffisamment en considération l'aléa. La seconde démarche est l'analyse ex post considérant l'approche structuré de recherche des débris de l'avion et sa localisation (Richardson et al., 1971; Stone et al., 2011) ; la compréhension des effets météorologiques dans l'explication de l'accident (Kaplan et al., 2005 ; Bottyan et al., 2010, Cabrera, 2011) et la communication de crise (Sevin, 2010).
La complexité des démarches nous conduit à répondre à plusieurs questions de recherche :
H1 : La réglementation de la formation des pilotes dans un système complexe est-elle un outil de gestion de risque ou l'illusion de contrôle ?
H2 : En situation dégradée, la communication de crise dans le transport aérien doit-il être un outil d'accompagnement au service de la clientèle ou la valorisation d'une expertise ?
Afin de pouvoir répondre à ces questions de recherche, nous proposons une démarche qualitative exploratoire avec plusieurs bases de donnée mise à la disposition par le BEA comprenant :
- les conférences de presse et informations sur l'événement de 2009 jusqu'en 2012 ;
- les différents éléments d'informations (du 6 juin 2009 au 20 janvier 2011) - localisation, zone de recherche, trajectoire, enquête technique, services hydrographiques et océanographiques, analyses météorologiques - ;
- les rapports de groupe de travail portant sur transmission déclenchée des données de vol (22 décembre 2009) et la récupération des données de vol (18 décembre 2011) ;
- les cinq phases d'opération de recherche en mer ; les rapports d'étapes (2 juillet 2009, 17 décembre 2009, 29 juillet 2011 et le communiqué de presse du 3 août 2011) ;
- enfin, les communiqués et points d'informations (16 mai 2011 au 30 mai 2012).
La dimension internationale de l'accident, la renommée de la compagnie aérienne et l'impact médiatique nous invitent à étudier les éléments déclenchant habilités de l'accident et l'impact favorisant une lecture ex post utilisant le retour d'expérience comme outil de gestion de situation critique, indispensable dans la connaissance et la résolution de crise d'un accident aéronautique d'ampleur comparable.
3. Etude de cas
3.1. Rappel des faits de l'accident de l'AF447
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, le contact radio de l' Airbus A330-203, immatriculé F-GZCP, exploité par Air France a été perdu. Le vol AF 447 qui effectuait la liaison Rio de Janeiro (Brésil) - Paris-Charles de Gaulle (France), a disparu en mer avec 216 passagers et 12 membres d'équipage à bord de l'avion. Le 2 juin, Les autorités brésiliennes ont confirmé que des débris flottants ont été repérés dans la zone de recherche. Le 5 juin, de nombreuses informations plus ou moins exactes ou tentatives d'explications de l'accident circulent par le biais des médias. Le BEA rappelle qu'en de telles circonstances, il convient d'éviter toute interprétation hâtive ou spéculation sur la base d'informations parcellaires et non validées. A ce stade de l'enquête, les seuls éléments établis sont : la présence à proximité de la route prévue de l'avion au-dessus de l'Atlantique, d'importantes cellules convectives caractéristiques des régions équatoriales ; l'exploitation des messages automatiques transmis par l'avion ; l'incohérence des différentes vitesses mesurées. Le 17 juin, le BEA informe que de nombreux débris de l'avion, dont la dérive, ont été récupérés à la surface de l'eau. Ces débris correspondent à une zone relativement restreinte avec une dérive orientée vers le nord Une zone préférentielle de recherches sous-marines a été établie sur la base du positionnement des pièces récupérées, plus de quatre cents débris ont été référencés, et la trajectoire de l'avion reconstituée. L'exploitation de ces messages fait apparaître une incohérence dans les différentes vitesses mesurées. Ils correspondent à la perte de plusieurs systèmes d'assistance au vol. Le BEA précise que les services de secours ont pu retrouver 49 corps entre le 6 et le 11 juin 2009.
3.2 Enquêtes, techniques de récupération et phases de recherche
Le 15 juillet, le BEA précise que les éléments de l'avion récupérés, au cours des recherches en mer, sont arrivés le 14 juillet dans la soirée à Pauillac et sont acheminés vers Toulouse où ils seront examinés au Centre d'Essais Aéronautiques de Toulouse (ministère de la Défense) sous le contrôle d'officiers de Police Judicaire de la Gendarmerie des Transports Aériens et des enquêteurs du BEA. Le 30 juillet, le BEA informe que la première phase de recherche est terminée et que le navire océanographique de l'Ifremer le "Pourquoi pas ?" est à présent sur zone pour la deuxième phase de recherche des enregistreurs de vol de l'AF 447. Le BEA prend acte de l'engagement d'Airbus de participer financièrement à la poursuite des recherches, si une troisième phase, dans une zone élargie, apparaissait nécessaire. La deuxième phase des opérations de recherches sous-marines des enregistreurs de l'Airbus A 330 vient de s'achever le 20 août 2009 sans avoir permis de localiser l'épave de l'avion. Le communiqué du BEA, le 5 octobre, fait état que la presse s'est fait l'écho de certaines déclarations sur l'accident survenu le 1er juin 2009 au vol AF 447. Le BEA rappelle que les éléments disponibles sont en cours d'étude; l'enquête progresse, mais elle est particulièrement difficile et il est trop tôt pour pouvoir décrire les circonstances de l'accident et, a fortiori, prétendre les expliquer. Une nouvelle fois, le BEA recommande donc la plus grande prudence. Le 7 décembre, le communiqué de presse du BEA énonce que le directeur du BEA se rendra à Rio de Janeiro le 12 décembre avec le responsable de l'enquête, M. Bouillard. Il rencontrera les familles des victimes brésiliennes et auparavant, le BEA présentera les avancées de l'enquête et des recherches en mer aux représentants des associations "Entraide et solidarité AF447", "Association pour la vérité, l'aide et la défense des victimes du vol AF 447" et "HIOP AF 447".
Il faudra cinq phases pour que le BEA détienne l'ensemble des éléments nécessaires pour produire un rapport circonstancié de l'accident du vol AF447. L'enquête a nécessité quatre niveaux d'investigations et de communications : une médiathèque publique (34 vidéos, photos et animations) ; une communication de presse (55 points de communications du 1er juin 2009 au 18 juin 2012) ; des recherches en mers (cinq phases) ; des rapports d'étapes (rapport d'étape n°1 du 2 juillet 2009, rapport d'étape n°2 du 17 décembre 2009, rapport d'étape n°3 du 9 juillet 2011 et le rapport final d'enquête de sécurité prévu le jeudi 5 juillet 2012).
3.3 Gestion de situation critique et communication de crise
La communication de crise a fait l'objet d'une attention particulière dans la mesure où l'impact médiatique international de l'accident a généré une volonté de transparence des acteurs du transport aérien dans la gestion de crise. La difficulté réside dans la complexité des causes et leurs interprétations par les médias, détenteur le plus généralement d'informations fragmentaires et contradictoires. Différentes recherches se sont développés sur cette dualité entre la réalité objective et son interprétation (Sevin, 2010).
La première démarche insiste sur la coordination du message entre leur interprétation dans le présent et le but ultime du message (Seet, 2009). La deuxième démarche privilégie le mode de communication où l'on valorise la rapidité et l'intégralité du message notamment lorsque de vies humaines sont en jeu (Klann, 2003). La troisième démarche insiste sur la valeur du mot et leur qualification (Linsky et al., 2002). La quatrième démarche s'intéresse à une meilleure connaissance des médias comme plate-forme d'information (Seet, 2009). Une cinquième démarche considère la communication comme parti-prenante de la crise et les groupes si rattachant (Ray, 1999). La sixième démarche insiste sur la pertinence des ressources d'informations source de spéculation et d'interprétation (Curtin, 2005). La septième démarche insiste sur la notion de responsabilité et d'éthique notamment pour les acteurs (familles et proches) reliés au drame (Ray, 1999). L'ultime démarche valorise l'incertitude des connaissances et l'usage des sources d'informations erronées (Seet, 2009).
L'exhaustivité de ce cadre d'analyse ne doit pas occulter d'autres démarches en faveur d'une gestion de situation critique efficace.
3.4 Sortie de crise et retour d'expérience
L'analyse ex post de la gestion de situation critique dans le transport aérien s'achève dès lors que la connaissance des causes de l'accident sont précisées et irréfutables. Si les causes sont définies, les effets de la situation critique ne sont pas traités. La communication de crise élaborée par les acteurs du transport aérien (compagnie aérienne, assemblier, autorité publique) est essentiellement centrée sur la connaissance des raisons de l'accident et le degré de responsabilité d'un acteur. La sortie de crise consiste à déterminer une faute et par conséquent construire les éléments futurs de non réitération d'un accident d'ampleur similaire. La communication de crise est donc un outil au service de la résolution de la crise et donner la possibilité de dépasser l'événement. A partir de ce constat, les acteurs du transport aérien ont engagé un système de retour d'expérience basé la dynamique des connaissances (Cf. Schéma 1) favorisant un travail d'assimilation de la connaissance implicite, un passage de la connaissance implicite à la connaissance explicite et une intériorisation de l'expérience implicite collective.
Schéma 1. Dynamique des connaissances selon (Beler, 2008)
Sur la base de ce processus de gestion des connaissance, un retour d'expérience peut-être élaboré visant à détecter et analyser les anomalies d'un accident, rechercher les causes et les enchaînements, retirer divers enseignements, définir et suivre les actions de correction et assurer l'information pertinente des parties prenantes intéressées. Le retour d'expérience (REX) doit pouvoir reprendre les différentes entrées dans son ensemble (Cf. Schéma 2).
Schéma 2. Vue d'ensemble des applications du REX selon (Beler, 2008)
Il peut être perçu comme un support de capitalisation et d'exploitation des connaissances expertes et une alternative aux approches basées sur une modélisation conceptuelle des connaissances. La pertinence de traiter les causes d'un accident par le biais du REX trouve ses limites dans le traitement des effets où la communication de crise doit pouvoir répondre efficacement. Dans le cas étudié, les parti-prenante ont survalorisé une campagne de communication de crise basée sur la résolution technique des causes (2009-2012) sans répondre aux préoccupations soulevées par les approches ergonomiques et psychosociales.
4. Discussion, conclusion
4.1 Analyse contextuelle de la gestion de situation critique
La représentation de la gestion de situation critique dans le transport aérien s'organise autour du contexte (réglementaire et technique) ; l'analyse du problème (et l'écart probable entre le prévisible et l'observé) ; des solutions (réglementaire et technique) que l'on pourrait apporter afin d'estomper la probabilité d'occurrence et les enseignements valorisés par un retour d'expérience partagé.
Notre première question de recherche n'est donc pas totalement validé dans la mesure où la réglementation de la formation des pilotes dans un système complexe est efficace mais peut s'avérer insuffisante si elle n'est pas jointe à une analyse psychosociale du personnel navigant (notamment les PNC) dont les conditions de vols se complexifient toujours davantage. Le changement climatique et l'automatisation croissante de la navigation des aéronefs peuvent distendre la vigilance des PNC et accroître le facteur risque dans l'appréhension d'une crise majeure. On peut s'interroger sur la notion de sécurité dans le transport aérien dans la mesure où le concept même de sécurité est lié à un processus. Si celui-ci s'organise selon un cadre défini ou probabilisé, la résolution de la crise peut se construire et se modéliser. Tout le problème revient à considérer une situation critique aléatoire comme celle du vol AF 447 où finalement, aucune assistance n'avait été conçu pour aider les co-pilotes à ce que l'aéronef ne suivent pas une courbe descendante pour des raisons inexpliquées et décroche (Cf. Annexe 1) brutalement en quelques minutes vers l'océan à la vitesse de 12000 pieds par minutes (4000 mètres/mn).
Les conclusions provisoires du troisième rapport produit par le BEA le 29 juillet 2011, fait état d'une concordance de situation : climatique, technique et humaine. Les conditions météorologiques font état d'un anticyclone puissant susceptible de perturber la trajectoire prévue de l'AF447 (Cf. Annexe 2). La chute brutale des vitesses mesurées, vraisemblablement due à l'obstruction des sondes Pitot par des cristaux de glace, provoque le désengagement du pilote automatique. La présence de turbulences a provoqué à sa déconnexion, un départ de l'avion en roulis à droite jusqu'à environ 8°. Les copilotes n'avaient pas reçu d'entraînement, à haute altitude, notamment la procédure "AS douteuse " et le départ du commandant de bord s'est effectué sans qu'il laisse des consignes opérationnelles claires, en particulier sur le rôle de chacun des copilotes. Autrement dit, il n'y a pas eu de répartition explicite des tâches entre les deux copilotes et il n'existe pas de formation CRM pour un équipage constitué de deux copilotes en situation de suppléance du commandant de bord. Par ailleurs, aucune annonce standard concernant les écarts d'assiette et de vitesse verticale n'a été faite. Jusqu'au dernier moment, les moteurs ont fonctionné et toujours répondu aux commandes de l'équipage. La lecture des discussions effectuées dans la cabine de pilotage ne fait mention d'aucune annonce des procédures effectuées par le personnel navigant auprès des passagers.
Sous réserve des conclusions du rapport final, l'EASA et la compagnie Air France ont demandé le remplacement des sondes Thalès "BA" par des sondes américaines Goodrich. L'EASA a recommandé au constructeur Airbus de mettre en place, lors de prochains entraînements périodiques, une séance sur simulateur à haute altitude en lois normale et alternate incluant : le pilotage manuel et la réalisation de la procédure UNRELIABLE SPEED INDICATION / ADR CHECK PROC. Les experts s'accordent à considérer que l'automatisation des tâches et les dysfonctionnements des pratiques et des rôles dans un environnement en situation critique conduit à une relecture réglementaire de la sécurité (constructeur, compagnie aérienne, pilote et autorité publique).
La deuxième question de recherche concernant la communication de crise comme outil d'accompagnement et d'image au service de la clientèle est validé ex post dans la mesure où les services compétents, mandatés pour établir les causes de l'accident, ont produit des documents détaillés et circonstanciés des premiers jours de la tragédie aux ultimes conclusions à paraître en juillet 2012. Les recherches et études concernant les accidents dans le transport aérien sont très souvent orientés dans la compréhension de la crise ex ante et non dans la communication de crise ex post. Ce dysfonctionnement entre les experts en attente de résultats probants et irréfutables et un public soucieux d'utiliser un mode de transport le plus sécurisé possible est un champ de recherche possible et indispensable. Possible car il existe des informations et des données exploitables pour une connaissance d'accident de cette catégorie et le retour d'expérience correspondant. Elle est indispensable pour recouvrer la confiance des voyageurs et pérenniser la réputation des acteurs du transport aérien.
4.2 Analyse socioéconomique de l'accident
La complexité des causes réelles de l'accident pose le problème sociologique et socio-économique des organisations dans le transport aérien. S'agissant de l'entreprise Air-France, on peut se poser la question de son approche stratégique face à l'accident. Nous pouvons également aborder les limites des ressources internes permettant de gérer de nouvelles ressources externes. Enfin, nous pouvons chercher à comprendre comment une compagnie aérienne met en œuvre son approche stratégique comme multiplicateur de potentiel.
Cette démarche socio-économique (Plane, 2003 ; Savall et al., 2009) met en évidence que l'entreprise Air France privilégie une stratégie ex ante de l'accident sans proposer des scénarios de gestion de crise au-delà des documents réglementaires applicables. Selon les critères de risque élaboré par l'OACI, la probabilité ou l'occurrence de risque d'un accident reste très faible voire improbable. Par conséquent, l'approche stratégique consiste à définir un cadre technique et réglementaire et s'abstenir de préciser un ajustement sur l'amplitude éventuelle de l'accident (Cf. la catastrophe de Saint-Odile).
Les ressources internes de l'entreprise sont largement conditionnées par un cahier des charges contenu dans le bilan annuel ; autrement dit, la gestion du risque et les conditions d'appréhender l'apport de ressources internes, n'interviennent qu'après la crise. La sortie de crise favorise, certes, la création du retour d'expérience (REX) mais ne concerne que la connaissance et la gestion de la crise effectuée. Dans la mesure où la gestion de situation critique conditionne un ajustement ou un adaptation des normes et comportements en vigueur, il serait opportun de reconsidérer les ressources internes. Par exemple, la cellule de crise d'Air France, en période de situation dégradée, devrait davantage privilégier une gestion collaborative de la gestion de situation critique (notamment avec la DGAC, Météo-France, le constructeur et la plate-forme aéroportuaire pour ne parler que des principaux acteurs). Force est de constater que généralement, la démarche de gestion de situation critique s'organise de manière fragmentée ce qui réduit d'autant les capacités de résolution optimale de gestion et de sortie de crise.
Enfin, s'agissant de l'approche stratégique comme multiplicateur de potentiel, on observe que des dysfonctionnements sont principalement liés à des carences de la connaissance des comportements humains. Le récent rapport du BEA révèle que les directives et orientations entre le commandant de bord et les copilotes sont imprécises notamment dans la gestion de situation critique en mode dégradé. Certes, des carences techniques et un phénomène climatique d'ampleur nocturne ont amplifié ces dysfonctionnements. Il n'en reste pas moins que les conditions de pilotages et les règles s'appliquant durant une situation dégradée doit s'appliquer en présence du responsable du vol, autrement dit, le commandant de bord.
L'approche socio-économique nous enseigne que la gestion critique en situation dégradée doit intégrer les anomalies, les perturbations et les écarts entre la situation critique prévue et la situation réelle. Aussi, le retour d'expérience ne peut être efficace que s'il intègre ces conditions : l'approche stratégique de l'entreprise face à l'accident ; les limites des ressources internes au profit d'une gestion collaborative de la gestion de situation critique et enfin ; une approche stratégique valorisant l'ajustement structurel et une prise en compte des comportements humains lors d'une crise majeur.
4.3 Limites et perspective de l'application du REX dans la gestion de situation critique
Les limites de l'étude porte sur le caractère exceptionnel d'un accident et la relative homogénéité entre les accidents aériens. Les conditions d'évaluations d'un accident varient selon le lieu, les conditions météorologiques et les facteurs humains. Ces variations dévaluent les connaissances produites par l'événement et ne permettent pas de proposer un modèle générique. Tout au plus, il pourrait y avoir des corrélations mais d'une compagnie à une autre, d'un constructeur à un autre, les variables techniques peuvent changer. La gestion de situation critique doit rester une approche pragmatique qui s'inscrit dans le temps et la collaboration entre les parties prenantes. L'approche ex post pourrait faire l'objet de recherche notamment dans le domaine psychosociologique, ergonomique et économique. La dualité entre les approches ex ante et ex post ne doivent pour autant séparé mais conjointe afin de définir une approche systémique pour les acteurs et les clients du transport aérien. Il ne faut pas oublier que l'aérien sera toujours un mode de transport comportant un risque dont les causes et les effets doivent être traités avec la même rigueur.
Annexes
1. Trajectoire de l'AF447 dans les dernières minutes de vol
(Source : CABRERA, 2011)
2. Trajectoire supposée de l'AF447
(Source : BEA, 2011)
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