Philippe Tancelin, poète engagé et pudique
Silence, où mènes-tu
tes ondes que profanent
des rires, des paroles
et les sanglots de l'arbre
Federico Garcia Lorca
Aujourd’hui, je vous présente un poète que j’aime, une poésie proche et intime, une poésie qui appelle et interpelle : quand une telle proximité se produit, poète travestie en lectrice, j’a envie de demander à l’écrivain Philippe Tancelin « montre-toi », mais à ce moment d’interpellation, l’appel du poète me répond « regarde-moi » et alors il s’en suit un jeu de mots et de masques « montre-moi » auquel la lecture et la rencontre avec Philippe disent « regarde-toi »
Philippe Tancelin est poète et vit poétiquement ses engagements. S’il reste fidèle à la mémoire de résistance des peuples, s’il cherche dans leur fuite, les instants d’appel des dieux, il nous ramène aussi à la fragilité et à la spontanéité de l’enfant.
Philippe Tancelin mêle dans son écriture la spiritualité et l’intime, ce qui en fait un poète créatif et puissant. Cette force, nous la recevons, dans la rencontre poétique, comme un don de la beauté qui n’exclut ni la difficulté, ni la douleur, elle nous traverse avec violence jusqu’à polir une douceur nouvelle, rendre sereines les ravines exacerbées du tourment.
Il arrive sur les terres d’exil de la poésie, que la quête, la fidélité à l’engagement et à la résistance croisent les mémoires longues, les murmures des dieux enfuis et les fragilités de l’homme.
Rencontre avec ces beaux arbres de paix, qu’il nous désigne patiemment depuis le premier faîne jusqu’à la maturité de l’Etre.
L’âme s’envole à écouter Philippe Tancelin proférer sa poésie: envolement d’âme, émerveillement ou sacrilège de la rencontre – précieuse et libre des esprits dans l’ombre ou le silence ? ce bruissement de l’invisible, ces chœurs téléscopés en mots, en silences, en cris, en ombres, en lumières, en senteurs, en couleurs.
Dans la « Pohétique du silence », l’énigme s’installe dès le prologue où l’écriture presque hermétique cache un détachement, une dépersonnalisation voulue comme s’il fallait mettre à distance une souffrance impossible à traduire.
Dans cet indicible, nous sommes à ras du texte, à ras des mots, vouloir y entrer, serait une sorte d’indiscrétion ou une indécence du regard. Nous ressentons la pudeur du poète, nous sommes en infraction à lire ce drame de l’être et voudrions le laisser en paix et en même temps curieux de ce qu’il donne à voir d’une intimité-aussi notre- douloureuse, et retenue à chaque soupir.
De cette dramaturgie se lève une force sensible, où la voix et les mots livrent leur douleur, où l’inéluctable condition humaine est acceptée. L’histoire d’un deuil peut-être : l’hébétude, la prostration à son annonce, le principe de réalité où l’on est mis à l’épreuve de la douleur, impuissant. Le silence oscille entre révolte de la pensée maîtrise et la compassion, envers l’autre, envers soi, envers les autres. Ce silence est la marque d’un changement, désarçonne, comme s’il s’établissait une correspondance entre l’histoire individuelle et l’histoire en marche, en les moments où on laisse distraire sa propre souffrance par le regard sur le monde « en détresse ». Et le monde prend le regard de souffrance que l’on porte en soi : un enfermement de la pensée dans son propre désespoir de vivre, l’impression d’y retrouver des démons familiers et mais aussi y puiser une résistance pour ne pas les rejoindre Alors se libère une fluidité militante, moins hermétique, empreinte de tendresse, loin d’un écho complaisant.
Dans cette écoute nous basculons ainsi dans les jeux, les masques et paradoxes du poète : de la nuit totale à la plus grande clarté où la poésie nous est vibrante, juste dans le chuchotement et la pliure des mots.
Dans son recueil « cet en-delà des choses » commencent d’autres questionnements, le poète se saisit de l’amont , ce qui est donné des choses et pose la question des courages, des lâchetés et de l’attitude existentielle.
Ce qui est donné comme évidence< Nicole Barriere
ASSOCIATION "DU CÔTÉ DU PONT MIRABEAU", mai 2005
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