José-Maria FERREIRA DE CASTRO et l'EMIGRATION
Colloque : José-Maria Ferreira de Castro et l'Émigration
24-25-26 mai 2010
"A SELVA" (Forêt Vierge) : UN PAYSAGE DE L'ÉMIGRATION
L'homme à l'image du lieu
Ou entre homo amoenus et homo terribilis
Je ne vais pas resituer "Forêt Vierge", qui constitue l'ossature de mon intervention, dans le parcours littéraire castrien. Outre le fait qu'il s'agit de l'œuvre qui a véritablement lancé la carrière romanesque de son auteur en lui permettant d'être reconnu au plan international, grâce à des traducteurs de renom, tels Blaise Cendrars notamment pour la francophonie, il s'agit de la relation quasiment autobiographique d'une expérience de l'émigration.
Il ne faut pas perdre de vue que José Maria Ferreira de Castro est originaire du Centre Nord du Portugal, région traditionnelle d'expatriation au début du XX° siècle, car essentiellement rurale, pauvre et à fort peuplement. On sait par exemple qu'en 1911, année du départ de Ferreira de Castro pour le Brésil, c'est pratiquement un millier de jeunes portugais issus de la même région qui tentent l'aventure de l'émigration. D'autant plus qu'au cours de la même période, le Brésil connaît ce que l'on nommera le "boom du caoutchouc". Sa croissance économique est dopée et les villes du Bassin amazonien sont en plein essor. De plus, dans l'inconscient populaire portugais et auprès de tous ceux qui considèrent n'avoir aucun avenir dans leur propre pays, l'ancienne colonie a gardé, des siècles après ses premiers conquérants, ses allures d'Eldorado et tout son pouvoir de séduction.
Dans "Forêt Vierge", José Maria Ferreira de Castro met en scène son double littéraire, Alberto, dans une véritable descente aux enfers. Il y confronte son alter ego à l'ailleurs, au gigantisme, à la monstruosité d'une nature terriblement belle et hostile dans la moindre de ses composantes. La forêt est la seule véritable héroïne de l'œuvre, mais il s'agit d'une héroïne monstrueuse dotée d'une force irrépressible et d'une inhumanité telle que tout ce qui la compose concourt à exclure le facteur humain ou - à tout le moins - à arracher à l'homme la dernière parcelle d'humanité.
Ainsi en est-il notamment de l'élément liquide que Ferreira de Castro associe sans cesse au danger, à l'angoisse et à la perte et seule véritable clepsydre qui rythme le cycle éternel de la mort et de la vie. Ainsi en est-il également de la nature, végétale autant qu'animale, dont l'homme est plus souvent la proie que le prédateur. Véritable labyrinthe végétal, parcours initiatique, la forêt apparaît comme le royaume de l'ambivalence et de l'équivoque permanente oscillant entre ombre et lumière, attraction et répulsion, Eros et Thanatos. Au point que l'homme n'y est plus qu'une marionnette qui se débat entre monstruosité et sainteté. Et même si Ferreira de Castro par son humanisme et sa foi dans l'humain, permet à son héros de survivre et de dépasser la barbarie au quotidien, il ne dresse pas un bilan positif de l'émigration. En effet, le migrant ne sort pas grandi de sa confrontation avec l'Amazonie, et par-delà avec l'expérience de l'émigration. Au pire, il aura tout perdu du peu qu'il possédait au départ ~ quand ce n'est pas la vie ~ au mieux, il n'aura rien gagné ~ du moins rien de bon. Dans tous les cas, l'émigration ne laisse jamais l'homme indemne.
Et les navires passent à l'intérieur du tronc des arbres
Selon une horizontalité verticale
Laissant choir à l'eau des amarres à travers les feuilles une à une au fond…"
Cet extrait n'est pas tiré de l'œuvre de Ferreira de Castro, mais d'une poésie de Fernando Pessoa, intitulée "Pluie Oblique". Mais il illustre particulièrement bien le rôle de l'eau dans "Forêt Vierge". Il convient, en effet de percevoir la notion d'eau comme un terme générique à la fois vertical et horizontal, quasiment quadridimensionnel dans ses dimensions à la fois spatiales et temporelles. L'élément liquide prend d'ailleurs au fil de l'œuvre une ampleur de plus en plus grande au point de finir par inonder littéralement le texte.
Il s'agit tout d'abord de l'immensité du fleuve qui fait perdre à Alberto, le jeune héros, déjà déstabilisé par sa confrontation à l'océan, tout repère. (Sic) les rives du Rio Madeira étaient si éloignées que les cris des sapajous qui parvenaient à bord semblaient venir d'un autre monde. Le gigantisme ambiant est tel qu'il obère chez le jeune homme - comme il a sans doute obéré chez l'auteur - toutes les valeurs et les perceptions d'un homme possédant comme seuls points de référence les mesures et l'exiguïté de son pays natal. (Sic) le moindre igarapé avait les dimensions du Tage ou du Douro.
Ce constat pousse d'ailleurs l'auteur, dont le vocabulaire parait, pour la circonstance, aussi limité que le sens des proportions, à l'hyperbole à défaut d'une description réaliste (sic) les vastes panoramas d'eau et de forêt faisaient naître la notion de l'immense, de l'infini, de l'incommensurable. De fait, dans cet ailleurs liquide, le sens raisonnable des proportions est totalement affecté voire annihilé. Mais ? par-delà le gigantisme, c'est la monstruosité même de cet être liquide qui est facteur d'angoisse pour celui qui y est confronté pour la première fois. (Sic) tout était hors de proportion et l'esprit restait confondu. Angoisse pour un élément hors norme, mais doué d'une vie propre et d'une colère presque humaine, à tout le moins animale, (sic) la rivière se cabra et l'eau, jusqu'alors muette, se mit à rugir et à tonner nuit et jour avec une violence et une persistance grandissante.
L'eau devient indissociable de la terreur et de peurs ancestrales, jusque dans ses couleurs (sic) noire, verdâtre ou couleurs troubles, laiteuses. Au point qu'elle devient synonyme de danger permanent, (sic) pour s'ébattre dans ces eaux morbides, on ne pouvait concevoir d'autres êtres vivants que des monstres antédiluviens. C'est une eau qui agit sur le temps…
L'élément liquide n'est pas seulement un géant monstrueux. Il se révèle aussi comme une redoutable machine à remonter le temps qui entraîne le héros sur la trace de tous ceux qui se sont succédé, souvent au péril de leur vie, pour conquérir cette immensité. Et, ce temps est rythmé par le tic-tac des sentiments contradictoires d'attraction/répulsion qui s'emparent successivement d'Alberto, et qui sont amplifiés par les phases d'optimisme et de pessimisme qui se succèdent au fur et à mesure que le voyage aquatique se poursuit et que le temps régresse, comme le bateau chemine à contre-courant.
L'eau est une machine à remonter le temps qui conduit inexorablement du bonheur au malheur et qui finit par tout liquéfier ~ espoirs et désillusions ~ dans la saudade qui accompagnera le héros tout au long de son périple et dans ce qui s'avèrera être sa descente aux enfers. (Sic) chaque nuit passée à dormir était autant de gagné sur l'ennui et chaque journée qui s'écoulait était un grain de plus dans l'interminable rosaire des jours ou encore (sic) à quoi bon lutter avec son destin, il n'avait qu'à se laisser aller, emporté au hasard comme un tronc qui va au fil de l'eau.
Géant cruel et violent, maître du temps, l'élément liquide est évidemment porteur de mort. Sa représentation la plus significative dans A selva se retrouve dans la description de l'inondation périodique du Rio Madeira qui constitue une caractéristique majeure du paysage amazonien. (Sic) tout le bassin amazonien était submergé et la forêt vierge trempée d'eau apparaissait être une forêt sous-marine d'une autre époque plongeant dans un océan d'un autre âge.
C'est toujours la même idée de machine à remonter le temps, à laquelle est associée systématiquement le thème récurrent de mort, (sic) sinistre rivière, arbres morts entraînés par le courant lymphatique, eaux morbides, fleuve de mort. Mais ce paysage mortifère porte en lui la notion de source de vie et de re-naissance. Il s'agit en l'occurrence d'un juste retour des choses, car si la crue tue, elle constitue aussi un immense nettoyage qui contribue au renouvellement de la vie amazonienne. Ainsi retrouve-t-on dans l'inondation du Madeira les crues fertilisatrices du fleuve Nil. Et ce d'autant plus que Ferreira de Castro y associe la boue, matériau biblique par excellence. (Sic) eaux boueuses, fleuve de boue, masse lourde de boue liquide. Une approche que partage le poète brésilien Joaõ Cabral de Melo Neto qui écrit dans son "Paysage du Capabaribe" :
Dans le paysage du fleuve,
Il est difficile de savoir
Où le fleuve commence ;
Où la boue
Naît du fleuve;
Où la terre
Naît de la boue;
Où l'homme,
Où sa peau d'homme
Naît de la boue;
Où naît l'homme
Dans l'homme.
Mort, re-naissance, vie, il s'agit bien d'un parcours initiatique auquel se trouve confronté Alberto. C'est aussi une descente aux enfers que d'autres avant lui ont réussi puisqu'ils en sont remontés, des précédents quasiment mythiques tels Héraclès, Orphée ou Dante. Mais à quel prix ? Qui plus est, pour le héros de A Selva qui n'y est pas préparé, cette initiation se double de l'épreuve du labyrinthe. L'enfer vert se révèle être en effet un terrible et merveilleux labyrinthe dont les ombres, la touffeur et les bruissements forment autant de menaces, d'obstacles à surmonter. Tout est conçu pour déstabiliser les sens, (sic) Au début, quand on pénétrait sous bois, l'œil s'attachait volontiers à tel ou tel détail, aux particularités de tel ou tel tronc. Mais, l'on renonçait vite à cette curiosité, car ni la mémoire, ni la pupille n'étaient assez puissantes pour retenir ou fixer l'image de tant de variétés de feuilles, d'herbes, d'écorces, de façons de porter des branches. Lorsque ce n'est pas la vue qui est affectée c'est l'ouïe, à cause notamment de la "sonorisation" très particulière des lieux, au point qu'on en vient à confondre sons et silence, (sic) le silence de la forêt… composé de millions de gazouillements atténués et fondus dans le doux murmure du feuillage.
Merveilleux et terrible enfer vert. Le paysagiste Ferreira de Castro ne peut faire abstraction de tant de beauté. L'enfer vert est aussi ~ presque paradoxalement ~ un Eden, ce qui resterait du Paradis Terrestre, n'eussent été tous les dangers que les lieux dissimulent : serpents, insectes, félins, nature hostile, indiens. La menace est omniprésente, elle transparaît à chaque phrase, comme elle se cache derrière le moindre buisson. (Sic) dans cette forêt monstrueuse, l'arbre n'existait pas : ce terme était concrétisé par l'enchevêtrement végétal, dément, vorace. On était victime d'une chose affamée qui vous rongeait l'âme. Et la forêt vierge montait étroitement la garde autour des victimes perdues dans son immensité.
Mais de victime, l'homme s'impose rapidement comme le pire des prédateurs. Si la forêt est dévoreuse d'hommes, l'homme le lui rend bien en l'exploitant à outrance. Mais il y a pire, car l'homme s'adonne à l'auto-prédation. Cette tentative de viol de la nature atteint son niveau paroxystique avec la métaphore de l'assassinat du caboclo Lourenço par le seringueiro Agostinho éconduit dans sa demande en mariage contre-nature. Le caboclo lui refuse en effet la main de sa fille qui n'est même pas pubère. Le caboclo représente le commensalisme pacifique réussi entre homme et nature. A l'inverse, que le seringueiro représente l'exploitation brutale et forcée de la forêt. Bien sûr, le seringueiro bénéficie de circonstances atténuantes : il a été rendu fou dans sa situation effective d'esclave par le sevrage sexuel que lui ont imposé ses maîtres. La trop jeune fille du caboclo représente aux yeux du seringueiro la possibilité rapide d'assouvir son désir trop longtemps réfréné, mais plus symbolique elle figure la tentation de faire muta, c'est-à-dire la possibilité de récolter un maximum de résine en peu de temps en entaillant l'arbre non pas au niveau du tronc mais de ses plus jeunes branches, au risque certain de tuer l'hévéa. D'ailleurs, l'arme qui sert à tuer le caboclo est le couteau utilisé pour entailler les arbres…
Dès lors, on peut légitimement se demander si, à l'intersection entre le gigantisme horizontal des eaux omniprésentes et la verticalité menaçante de l'enfer vert, l'équation amazonienne laisse une place au paysage humain.
De fait, le civilisé, ou du moins celui qui se proclame tel depuis les premiers conquistadors, a fait le choix délibéré de forcer, de violer systématiquement l'élément naturel, et il semble s'être condamné de la sorte, pour sa survie, à l'inhumanité. Il semble se fourvoyer en d'inutiles combats titanesques perdus d'avance, car à chacune de ses dérisoires victoires, la forêt répond impitoyablement, rendant le moindre succès éphémère, (sic) infinie dans son étendue, mais là toute proche, prête à envahir cet îlot perdu, prête à l'étouffer dans son étreinte, à le déborder, à l'engloutir. La nature de cet ailleurs telle que la représente Ferreira de Castro est rien moins que romantique.
Mais, le danger le plus significatif pour le civilisé, confronté à l'hostilité permanente de son nouvel environnement, avant l'eau, avant les animaux, avant la forêt, c'est l'indien porteur des pires cauchemars et d'autant plus effrayant qu'il remplit moins le récit de sa présence que de son invisibilité silencieuse et sournoise.
On serait tenté de croire que le narrateur se situe, à l'instar de la caste dirigeante de la micro-société amazonienne, aux antipodes de la vision romantique et rousseauiste du bon sauvage. Sous sa plume en effet, les seringueiros eux-mêmes dénient à l'indien (le Parintintin) la moindre appartenance au genre humain, quant aux dirigeants de la plantation, ils voient en lui au mieux un sauvage nuisible incapable de répondre aux stimuli qui animent logiquement les êtres civilisés, (sic) allez donc civiliser des bougres qui n'ont besoin de rien. Mais la position de Ferreira de Castro est plus nuancée qu'il y paraît. Ainsi abandonne-t-il volontiers les civilisés à leur parti pris de haine pour prendre discrètement le parti de l'indien, notamment quand il s'agit d'opposer les envahisseurs aux indigènes, (sic) les portugais entendaient battre le cœur des hommes libres qui se refusaient de servir à leurs arquebuses.
De fait, se déchargeant sur son héros de la terreur permanente que lui inspirent les indiens, Ferreira de Castro prend le parti du Colonel Candido Rondon dont il reprendra les thèses positivistes dans "O Instinto Supremo". Pour Rondon, à l'inverse du bon sauvage de Rousseau, l'indien n'est pas naturellement bon, il est seulement un oublié, un laissé pour compte de la civilisation qu'il s'agit à terme d'intégrer à la société et dans (sic) le royaume de la fraternité universelle. Vaste projet et pour le moins utopique. Les Parintintin, tant redoutés semblent bien avoir été rattrapés par la civilisation, d'une façon ou d'une autre, les annales ne le disent pas, toujours est-il que leur disparition complète a été attestée officiellement en 1987 par l'administration brésilienne.
Par-delà l'autre que représente l'indien, le microcosme amazonien que nous dépeint Ferreira de Castro apparaît comme une petite société en pleine mutation et en passe d'évacuer définitivement les reliefs de son passé colonial avec la disparition des "sangs purs" portugais et amérindiens qui se sont disputé la terre depuis la découverte du continent américain. Nous l'avons vu les indiens sont exclus du système en place, et bientôt ils disparaîtront purement et simplement. Quant aux descendants des descubridores, il n'en reste pratiquement rien. L'auteur en dresse d'ailleurs un portrait pour le moins ironique et ridicule, (sic) là habitait un vieux portugais, le fondateur de la station… ce vieil invalide qui promenait dans le misérablement défrichement, avec une allure de grand seigneur, son bras manchot et sa barbe blanche… [il] continuait à recevoir pour ne pas dire trôner, avec sa décoration de commandeur sur la poitrine.
Le statut du blanc de sang pur est largement battu en brèche, si l'on excepte M. Guerreiro le comptable de la plantation par ailleurs largement marginalisé et tenu à l'écart par les autres responsables, Alberto lui-même pâtit de ses origines, (sic) vous savez bien que les portugais ne sont bons qu'à faire des colporteurs. De fait, le pouvoir dans sa réalité appartient aux métis. C'est ce qu'on nommera par la suite la démocratie de l'homme cordial, où races et cultures se sont fondues pour accoucher d'une société métisse. Mais on se rend vite compte que ce modèle de société n'est en rien assimilable à une société fraternelle, en ce sens qu'elle n'exclut à aucun moment l'arbitraire social ni les tensions de tous ordres.
L'ordre ~ même au niveau du microcosme de la plantation ~ en est pyramidal. Et, il s'agit d'une pyramide figée où il apparaît pratiquement impossible de passer d'une strate à l'autre. Et, dans cette société qui clame son affranchissement, Le sommet de la pyramide est occupé par les plus clairs de peau (le propriétaire de la plantation et ses lieutenants) et la base par les plus foncés, le petit peuple des seringueiros, (sic) c'était pour la plupart des noirs et des mulâtres. Enfin tout en bas, on trouve l'ancien esclave affranchi. On serait d'ailleurs tenté de croire que l'auteur tient cet être quasiment fantomatique pour quantité négligeable. En fait c'est par lui qu'il passe pour dénoncer le problème humain majeur de l'œuvre, en l'occurrence l'exploitation à outrance de l'homme par l'homme dans une société finalement moins métisse qu'esclavagiste.
L'esclavage passe par l'enchaînement, l'asservissement d'abord volontaire puis subi de ceux qui ne parviendront jamais à se tirer de cet enfer, et dont le rêve d'enrichissement n'est rien moins qu'illusoire. Heureux celui qui parviendra à s'en sortir sans y laisser une part importante de lui-même… au mieux ses illusions et son innocence, au pire sa santé quand ce n'est pas sa vie.
Alberto, le double littéraire de Ferreira de Castro s'en tirera lui, sans trop de séquelles apparentes. Mais son constat est amer. On ne sort jamais indemne d'une expérience migratoire.
On peut en revenir sans rien, ou plus expérimenté, ou pourquoi pas fortune faite. Mais dans tous les cas, on porte les séquelles de son aventure comme une tache indélébile qui continuera à peser sur le reste de la vie et ne prendra fin qu'avec la vie.
J'en veux pour preuve trois des autres œuvres de l'auteur de A Selva, en l'occurrence "La Mission" qui montre l'impuissance chronique du colonialisme à accoucher ailleurs d'une société viable, "Terres Froides" qui met en lumière la perversion inhérente à la réussite de l'expatrié, et "Les Brebis du Seigneur" qui dénonce à la fois l'illusion qu'entretient l'émigration auprès du candidat à l'expatriation et son échec inéluctable tant dans son déroulement que dans ses conséquences. J'ai d'ailleurs choisi de conclure mon exposé par un extrait tiré de cette dernière œuvre.
(Sic) Manuel de Bouça n'avait aucune confiance en l'avenir et parlait toujours de la vie et des hommes en mal. Il racontait qu'après avoir possédé une maison et des terres, son ambition lui avait fait tout perdre, d'autres hommes lui avaient enlevé ce qui lui appartenait. Après avoir traversé les mers, il avait trimé comme un nègre sur des terres lointaines, mais il en était revenu aussi pauvre qu'avant parce que, partout, on trouvait des hommes plus puissants que les autres et qui accaparaient tout.
On le voit, c'est un constat sans concession, mais ne nous y trompons pas : chez José Maria Ferreira de Castro, si l'expérience migratoire se conclut sur un échec, ce n'est somme toute que l'échec de quelques hommes. À aucun moment, l'humanisme qui entoure son œuvre n'est remis en cause.
Maurice BOURGUE
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