Gestion du site
log 
pass  go !
 ACCUEIL
BIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
NOUVEAUTES
ENTRETIENS
Quotidien tunisien LA PRESSE
C. CARDONA GAMIO EDICIONES
ARTICLES
Valhère
Kurt Drawert
Adonis, le poète du vent
Pascal Bournet, l'enchanteur, Jasmine Flower
Saramago -- Pérégrinations portugaises
Khoury-Ghata -- Compassion des pierres
Andrée Chedid -- Rythmes
Yakoba
Erri de Luca -- Le contraire de un
Koltès -- La marche
Marie NDiaye -- Les serpents
Gérard Oberlé -- Retour à Zornhof
Bernard Noël -- Les Yeux dans la couleur
Enrique Vila-Matas -- Paris ne finit jamais
Werner Lambersy -- Dites trente-trois...
François Montmaneix -- Les rôles invisibles
NOUVELLES
La Galaxie Gutenberg
Les deux vies de la scolopendre
L'origine du monde
De l'autre côté des vagues
NOUVELLES POLICIERES
Rupture
Clôture
Enflure
POESIE
Chant de la Terre
La Guerre -- traductions
La mère océane
Quelques traces dans le vent
La voix s'éveille
Partage de la parole
Gustav Mahler, le ténébreux
L'Homme séculaire
PROSE
Livre du nombre
La marche
Quand le conteur...
LITTERATURE JEUNESSE
L'arbre et le feu
Petit Tom et le crapaud
Petit Tom et le coq
Petit Tom et le hérisson
Le Typhanon
La fille de la sorcière
Le mystère du Masque -- roman jeunesse
L'homme qui revient de loin -- roman jeunesse
CHANSONS
L'en-chanteuse
Marine
Du souffle
Même loin
Ballade pour le vent
Dans les cratères
PRESSE
Une approche de l'oeuvre de Daniel Leduc
Quotidien tunisien LA PRESSE
Annetna Nepo -- Phillip John Usher
Du partage et de la lumière des mots
Poétique de la parole
PRESSE -- littérature jeunesse
Le conte populaire
Choisirunlivre -- L'Homme qui regardait la nuit
La Voix de l'Oranie - L'Homme qui regardait la nut
TRADUCTIONS -- littérature jeunesse
Albanais
Allemand
Anglais
Arabe
Espagnol
Roumain
LIENS
CONTACT
Catalogue auteurs

CHANT DE LA TERRE

 

Dans la transparence du regard, le ciel s’accouple avec la terre ;

les nuages sont des sources, les feuillages, des étoiles.

Depuis longtemps l’Homme s’interroge sur le fluide et sur l’opaque ;

sur ce qui coule et ce qui voile ; ce qui prodigue ; ce qui recèle.

Le sang provient-il des océans ; et la peau, de la glaise ?

Qu’y a-t-il en deçà du commencement ? Et par delà nous-mêmes,

qu’y a-t-il d’autre, qui ne soit ni le tout ni le néant ?

L’Homme, arc-bouté sur ses pensées, depuis toujours se nomme,

ainsi qu’on prononce un silence, le rectifiant en somme.

La Terre n’est-elle qu’une question qui tourne sur elle-même ?

 

Et l’espace résonne de ces espèces de mots que cultive l’Homme,

en éructant les questions qu’il se pose. Questions qu’il dépose

comme des strates empilées dans un ordre stochastique,

où les ombres attisent les clartés qui sommeillent.

L’espace, multiple, dont les courbes rectilignes propagent le temps.

L’espace, déboussolée de poussières invisibles, au fond duquel

ne renaît que l’espace dans ses contraires possibles. L’espace,

un certain temps ; une autre boucle où s’accordent les sons

dans leur dimension inaudible. Et cet espace, que le cerveau retient

pour ce qu’il est nous autres, combien a-t-il de temps, fugaces ?

 

La Terre tourne ainsi que du lait, oubliée par les Hommes.

La forêt se déchire, les icebergs se sectionnent, les eaux se confondent.

Et la pensée s’émiette sur des tables rondes qui tournent pour des spectres ;

tandis que la nuit se berce d’étoiles au fond des pouponnières

d’où émergent les sanglots et les rires de futurs univers.

La Terre est une giclée expectorée des gouffres,

un noyau que des dieux chimériques ont déféqué du verbe,

une poudre aux yeux ébahis de ceux qui la contemplent,

un ovocyte prêt à multiplier les vies

pourvu qu’un peu de sperme fuse des testicules du temps.

 

La Terre, notre demeure. Notre parfum d’essence. Notre

pulsation, dans un cœur qui se rythme au son des circonstances,

et que la liberté tachycarde jusqu’à flamber la glace,

jusqu’à faire fondre les calculs qui nous bloquent les reins ; la Terre.

Ses accrétions de sable, de nuages, de tempêtes ; d’émerveillements,

au fond, de ce qui surplombe sans jamais dominer.

La Terre, notre faim, notre terme ; notre ciel migrateur

qui toujours revient à ce point final, d’où il a émigré –

ellipse autour d’un Soleil, enjambement du temps

qui passe, alors que le temps ne peut être… que passé.

 

La Terre, concassée par trop de calculs et de rêves ; dans notre

imaginaire, la Terre, sublimée, violée, tout en même temps.

Mais la Terre, qui nous porte, comme nous portons nos yeux

sur l’horizon ; nos enfants, vers le futur. La Terre.

Amazone, Nil, Yangtsé ; Mississippi, Ienisseï, Huang He ;

Ob-Irtych, Amour, Congo : fleuves qui tracent d’immenses zigzags

sur les courbes lascives de la Terre ; sourires et plaies de l’eau.

Et le Brahmapoutre, qui descend du Kubigangri, pour imbiber

les flancs du Tibet, de la Chine, de l’Inde ; abreuvant

rhinocéros, tigres, éléphants – et cette femme, penchée sur son âge…

 

La Terre. Nous la cultivons sans la connaître, l’interrogeons

sans la comprendre. L’aimons avec nos dents. Et le temps,

soleil et pluie mêlés, fauche des espaces, des espèces,

à jamais terrassés. La Terre, notre puits, notre inventaire ;

notre sol dont la clef donne l’harmonie peut-être. Peut-être la nuit

dans le chant. Peut-être ce qui luit, dans ce qui naît, du néant. Et

nous songeons pour vivre, nous tournons sur nous-mêmes. Et

le champ de tournesols, balayé de grands soleils, explose en capitules

entourés de bractées, protectrices de l’éphémère clarté qui sombre. Et

la Terre, notre planète, subit l’héliotropisme – comme on oriente sa vie.

 

Ça vit, la Terre ; ça vibre en diapason. C’est un accord au plus haut

de la note. C’est un élan d’oiseau, la Terre, un élan dans le souffle…

Au bord de la rivière, dès l’aube, la locustelle lance ses trilles,

tapie dans les ajoncs. Le cri strident du martin-pêcheur fait écho à la nuit

qui sommeille. L’aigrette garzette chante un silence, déployé d’ailes.

Tout est stridulation. Même les taiseux, par leurs couleurs, simulent.

Et le vent fait son nid dans toute gorge qui se découvre ;

sur chaque branche où l’écorce crevasse, où la feuille ondule,

où la lumière s'emporte. La Terre prononce complaintes et ritournelles,

ondulant dans le spectre infini des clartés inaudibles. La Terre

 

qui nous enchante – malgré ce qui déchire : viol, guerre, CO2 ;

terrorisme, dictat, censure ; et ces mots qui tamponnent la pensée

au lieu de l’affranchir. La Terre, notre source. Que l’on y puise

sans épuiser. Que l’on s’abreuve sans tarir. Sans dépouiller l’arbre

de ses racines, l’oiseau de ses plumes, le ciel de ses nuages.

L’Homme, de ses vertiges. Parbleu ! La Terre, un jour, s’effacera ;

tel un songe, au bord de la secousse de l’aube – La Terre

ne sera plus que de l’écume, bordant la gueule d’un univers

trou noir – Et ce qui ne sera deviendra le nouveau songe,

dans lequel l’impensable virevoltera – comme seule, et grande, et piètre vérité…

La Terre !

 

© Daniel LEDUC

 

mini-sites © L'Harmattan 2005